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ENTREE DES ARTISTES

Les artistes
se préparent
Une effervescence
sans bulles gagne la foule, il va se passer quelque chose.
Mordicus le directeur vient prévenir les invités, c'est le moment fort,
le clou du spectacle, l'attraction singulière : l'entrée des artistes.
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On ouvre grandes les
portes de la nouvelle institution (le pire c'est que je suis vraiment
ému).
Encore une fois, grosse bousculade, tout le monde veut être le premier
n'importe où.
Miss Clitorini, notre belle communicante veut s'écarter du passage
mais elle se prend malencontreusemnt les pieds dans sa tenue de
Père-Noël (clin d'oeil post-moderne ?), elle chute lourdement avec
ses catalogues, la foule des artistes anonymes approche qui va la
piétiner.
Et alors ?
Zorro* est arrivé, sans se presser il enleva la miss du chemin des
bêtes assoiffées et curieuses pour la redéposer décoiffée et furieuse
(son sauveur lui aurait passé langoureusement la main aus fesses)
un peu plus loin.
* Zorro
: En fait ce n'est pas le vrai Zorro, vous vous en seriez douté
tout seul, le vrai Zorro ne pince pas les senoritas, vu qu'il en
pince pour Bernardo.
A ce que j'ai compris de leurs mimiques.
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C'est Octave des
Obres, le plastichien lyonnais déguisé, comme nous tous, selon les instructions
de Mordicus :
" Prenez l'apparence d'un artiste reconnu, on pensera que ce lieu est
peuplé de célébrités ! "
Une brillante idée directoriale qui accoucha de bien curieuses silhouettes
dont on s'écartait volontiers.
Ce pauvre Guy mollet par exemple, il avait bien cherché un abscontemporain
connu auquel il aurait voulu ressembler mais il n'avait pas trouvé (normal,
il faut trouver avant de chercher, tout le monde sait ça).
Il ne savait plus s'il
devait rire ou pleurer ...
Paf !
Voilà le concept, une double-face, un côté souriant pour répondre
aux amabilités et un côté méchant pour décourager les agressions.
Théoriquement c'était parfait mais pratiquement infaisable car la
réalité n'est pas aussi simplement divisée.
Les dosages sont subtils et les deux aspects curieusement mélangés
chez la même personne, un oeil chacun, alors que choisir ?
Aussi Guy
Mollet tournait-il comme une girouette au milieu de la salle.
Sa gesticulation et ses grimaces stromboscopiques attirèrent bientôt
toute l'attention disponible, ce qui accrut encore le rythme de
ses changements d'allure, on croyait à une performance* et il fût
très applaudi.
* performance
: Du genre des vices tourneurs.
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Il était temps
que cela s'arrête, le poète avait la tête qui lui tournait, il vint s'appuyer
contre une cimaise pour souffler.
" Pfffou, quelle histoire cher Octave ... Ah voilà Miss Clitorini,
on dirait qu'elle cherche quelqu'un. "
" Guy, tu ne voudrais pas mettre mon costume de Zorro, j'ai un peu
chaud avec ma cape ? "
" Cap, d'ailleurs j'en ai marre de ce masque bicéphale, on est deux
fois plus emmerdé (pardon, sollicité) "
Costumé en Zorro,
Guy mollet va galamment au devant de la demoiselle qui lui colle une grande
baffe, le poète s'en émeut (comme en Australie), il met la main sur son
épée en plastique quand une pince d'acier lui attrape l'épaule et l'envoie
valdinguer contre le mur voisin.
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L'A.G.F
arrive en planant, vite repèré vite car il fait de l'ombre à tout
le monde.
C'est Vil
de Lyon en A.G.F (Artiste Géant du Futur) surdimentionné, il ne
contrôle pas encore bien sa force broyant les mains plus qu'il ne
les sert, il sourit de ses dents parfaites et si aiguisées, traversant
la foule avec une telle arrogance qu'on n'ose pas lui demander son
reste d'attention.
Probablement l'A.G.F aura beaucoup plus de sens que nous, et plus
de bras vu qu'il lui en faudra déjà (au moins) deux pour téléphoner
: longs les bras, si possible.
Vil de Lyon est à son aise, son artiste du futur se conduit mâle
certes, mais plutôt facilement grâce à la console, il peut même
danser sur des rythmes simples, ou des disques rayés.
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" A.G.F avec
nous ! " crie la foule des branchés.
Pendant ce temps Guy Mollet encore tout étourdi se remet, il a perdu son
chapeau de Zorro ; décidément ce n'était pas sa soirée.
Erreur, c'était bien SA soirée, jamais plus il n'obtiendrait un tel si
grand succès.
Jean Culle a posé son propulseur pour le réconforter, le grand philosophe
(Lien) est à demi-nu dans sa tenue mal ajustée de peaux de bêtes à poils.
Il trône grassouillet en ithyphallique provocateur du magdalénien, les
dames apprécient, les messieurs moins.
" Moi aussi je collectionne des merdes, mais fossiles, comme les crottes
de la squaw ha, ha, ha ! "
On rit blanc (même pas jaune) ; tout le monde ne comprend pas la plaisanterie,
c'est bien ça le problème.
On pose
pour la photo aérienne : l'A.G.F et l'artiste du passé soutenant
la poésie malade, quelle allégorie !
Un officiel
veut en profiter pour faire un discours, Jean Culle s'empare prestement
du micro :
" Moi quand j'entends parler de culture je sors mon ... "
Qu'est ce qu'il va nous sortir ?
" Je sors mon ??? "
" Zob ! " hurle un obsédé, on braque un projecteur sur lui.
" Revolver ? " murmure un néo-nostalgique.
" Je sors ... Mon agenda des expositions de la Fondation Gellipane,
bande de quenelles froides, le revolver c'est pour après ! "
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Dans son coin
Double-Face nous présente son plus beau sourire.
Mordicus est à ses mauvais côtés, un peu paf, cette inauguration est un
vrai buzz virtuel !
Le caverneux Jean Culle baratine la bourgeoise sur un mode trop magnon
(pardon, mignon) :
" Vous savez avant on était plus direct, un bon coup de gourdin, d'entrée
! "
" Oh la la, quelle époque formidable ... "
Peldugland en
a marre d'être tout seul, il vient voir ce qui se passe.
Il ne restait plus que des verres à moitié vides avec des mégots dedans
ou des paumés à moitié pleins, avec rien dedans. L'éclairage dans ce vide
fait mal aux yeux, fermons le.

Cet écorché
vif s'en va furieux car personne ne l'a remarqué même la tête à l'envers,
un authentique voyant aurait les yeux plus rouges.
Un artiste
et son double à l'équarrissage (pardon, à l'écart et sage) ; si
le monocle rit jaune, que fait le binocle ?
Du binocle-art.

Beaucoup d'artistes
étrangers sont là aussi, des russes à fausses barbes, de beaux flamands
roses, un lituanien habituellement domicilié à Vilnius, rue Peldu,
des réfugiés artistiques du Maghreb, un grec naufragé ; plus quelques
vrais cosmpolites.
Cela augure bien du futur
rayonnement international de la Fondation Gellipane.
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