FONDATION GELLIPANE

PROGRAMMATION

 

 

 

" SPIRITOUT "
ARTISTE : GROSSETETE
GENRE : prétentieux
EXPOSITION n° 24

.

 

 

 

Le non-évènement.

Ce matin nous faisons la une avec ce gros titre en pleine page :
SUICIDE COLLECTIF A LA FONDATION GELLIPANE, suivi d'un article grand-guignolesque décrivant ce tragique fait divers.
L'artiste Manqué, un triste sire de profession, a pris la tête d'un peu tout le monde mais aussi celle d'un mouvement protestataire de grande envergure et de faible intensité : les râleurs.
Galvanisés par ses discours incendiaires, tous les mécontents chroniques et vacants des arts plastiques l'ont rejoint devant l'entrée de la Fondation où ils râlent de concert, mais pas de plaisir.


Manqué donne les démagogiques mots d'ordres avec son mégaphone cabossé :
" Les artistes au pouvoir - nous sommes tous des artistes - expression libre et gratuite - les artistes ... euh, les artistes avec nous ! "

Un programme qui fait froid dans le cou et sur le ventre.

Tout le monde reprenait en coeur les slogans sur l'air des lampions allumés quand un vaste filet recouvrit la foule manifestante qu'il retint prisonnière de ses mailles fines.
C'était un piège* de la redoutable N.B.A (Nouvelle.Bureaucratie.Artistique) et l'artiste Manqué, un vilain provocateur.

* piège : Pourquoi tant de hainne envers ces innnocents (mais oui, pourquoi tant de n ?).
Pour faire baisser les catastrophiques statistiques chômagesques.

" Un bon coup de filet, apprécie Vil de Lyon en remontant le chalut, on en fera des conserves de crabes, ho hisse, les artistes c'est comme les petits chats, bien mignons mais il y en a trop ! ".

Mais un coup de filet jamais n'abolira le hasard, enfin je crois.

Devant les caméras, notre directeur assure avec dignité et juste ce qu'il faut d'émotion difficilement contenue :
" C'est un véritable drame (sa gorge se noue) ... Mais si les artistes sont prêts à mourir pour exposer à la Fondation Gellipane, ce n'est sûrement pas sans raisons, sniff (il renifle). "
Pin-pou-pin-pou- une ambulance de location passe et repasse, à l'américaine.
" Nous ne voudrions surtout pas profiter de ces terribles circonstances mais la vie continue et les affaires reprennent vite le dessous.

Le manipulateur en action directe.

Ainsi l'exposition " Spiritout " qui ouvre demain sera un vibrant hommage aux créateurs stériles, aux éternels velléitaires, aux oeuvres panées (pardon, pas nées) et à ceux qui ne les feront jamais, bref, à tous les impuissants du cerveau gauche.
Leur sacrifice (?) n'aura pas été inutile (?) ... c'est pour eux
(il montre le ciel, les caméras cadrent son doigt), pour eux, et pour vous ... "
Sa voix se brise, le comédien essuie une fausse larme, étouffe facilement ses sanglots de circonstance avant de tomber dans les bras de miss Clitorini qui ne s'y attendait pas du tout.
Notre directeur " craque " en direct et c'est beau, l'espace émotion.
En voilà de la bonne réclame.

" Mais alors qui s'est suicidé ? " demande un témoin déboussolé.
" Personne, lui répond un témoin encore lucide, l'artiste se croit juste maudit. "
" Ah bon !
"

Manqué continue seul son itinéraire autodestructeur.
On entend plus que ses malédictions répétées :
" Artistes épris de liberté, suicidez-vous tout de suite, n'attendez pas que la société le fasse à votre place handicapée ! "
A une telle injonction, impossible de se soustraire, il s'exécute donc (plusieurs fois !) mais se rate ; décidément quand rien ne va ...
Et maintenant occupons-nous du cas Grossetête.

 

Le provocateur

 
 

L'exposition sans et avec l'artiste,
ce n'est pas la même chose.

 

En voilà un qui porte bien son nom mais difficilement sa tête tellement elle est volumineuse.

Imbuvable et imbu (tout court) de sa personne, sa prétention est devenue proverbiale dans le milieu ou pourtant on a l'habitude.

Aussi a-t'il décidé, dés son arrivée à la fondation, qu'il ne ferait rien du tout, il était là et cela suffisait a créer quelque chose d'important, l'évènement.

" Comment ça ! " protesta (faiblement) le directeur car le papa de Grossetète est un vieil ami de monsieur Gellipane.

Donc il ne faisait absolument rien et restait tout le temps au milieu de la salle affirmant que sa seule présence valorisait, que dis-je, transfigurait l'espace en l'irradiant de spiritualité en particules à double surface, adhérantes comme un ennui (pardon, un enduit), couvrantes comme le vernis et collantes comme du sirop des râbles*.

 

* râbles : de rapins naturellement, le reste n'est pas fameux.


On afficha donc directement les prix sur les murs et miracle, tout fût immédiatement acheté par un discret employé de monsieur Grossetête pére qui suivait partout l'artiste avec un carnet de chèques en blanc...
" Comme d'habitude..." soupira Grossetête en laissant glisser son chef enflé sur le cuir noir et lisse du sofa.
" Bah, il faut bien dispatcher..." conclut sentencieusement le directeur en comptant les billets neufs et crissants.

 

L'e-radiante présence

 

Quatre oeuvres achetées* par erreur sans compter les réductions ; l'artiste restera intransigeant :
" Donner c'est donner, reprendre c'est voler ! "

* achetées : à quel prix ? Calculer en anciens francs, en nouveaux puis en euro-dollars.

 

 

 
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