|
Faire l'historique d'un conflit
social n'était pas du tout prévu à notre programme mais la réalité a fini
par nous rattraper et nous a bientôt complètement dépassés.
Commençons par ce terrible matin où les visiteurs habituels de la Fondation
se cassèrent le nez sur les grilles encore fermées.
A la place des tableaux d'une exposition prévue du mou Sorski* (un néo-réaliste
socialiste), on pouvait lire sur un panneau hâtivement accroché ces deux
gros mots rouges " EN GREVE "
|
* Sorski : Peintre
dépourvu de consistance idéologique, on l'envoya poursuivre ses
études d'après nature humaine en Sibérie ; réhabilité depuis, ce
qui lui fait une belle jambe gelée.
L'étonnement est palpable,
pas les visiteuses.
De suite on s'interroge
:
" Etait-ce le nom de l'artiste, celui qui à déjà une place à
lui de son vivant ? "
" Ou un workshop maladroit de Grève, encore ? "
" Ou le bord de la mer en installation ? "
|
Heureusement un vétéran des
Trente Glorieuses* était présent et prenant la parole, il nous tint à
peu près ce langage ouvrier :
" A cette époque, les prolétaires s'arrêtaient parfois de travailler
pour revendiquer, on disait alors qu'ils faisaient grève.
A l'évidence, si les employés de la Fondation ont cessé toute activité,
il doit y avoir une raison ! "

Tout le monde était
surpris ; à l'intérieur des locaux, le personnel s'était enfermé
dans les réserves et barricadé derrière les boites de camembert
dont ils avaient fait provision, le conflit pouvait durer.
|
|
Deux leaders syndicaux
s'approchèrent pour communiquer avec le public, au moment où ils
allaient enfin pouvoir parler, tout s'éteignit d'un coup.
|
Le directeur venait de couper
le courant plongeant le monde entier dans le noir total.
L'exposition " Black Aout
" venait de commencer et la grève de se terminer, conjointement.
On procéda à un discret " Loques out ", c'est à dire qu'on vira tous les
mécontents; le directeur avait eu chaud et il pouvait maintenant se détendre.
Mais pas
trop, car dés demain, l'art continue.
* Trente Glorieuse : D'abord
il y avait eu les dix petits nègres, puis les vingt jours de Sodome (120
c'est beaucoup trop long !), ensuite les Trente Glorieuses pour finir
par les CAC 40 voleurs* et les 50 meilleures blagues du siècle.
C'est l'Histoire avec une grande hache et on n'y peut rien.
* CAC 40 voleurs : Malgré
leurs méfaits ils ont toujours une bonne cote, étrange.
L'exposition " Blach Aout
" attire beaucoup de visiteurs qui hésitent longtemps puis refusent d'entrer.
" Pourquoi n'allume t'on pas les lumières ? " demande ce bon public
où les nyctalopes sont rares.
" Mais pourquoi n'allume
t'on pas les lumières ? " se demande le bon public.

L'exposition
sombre
Il ne serait guère plus avancé, la salle étant complètement vide.
Je soupçonne, car je suis devenu soupçonneux, je soupçonne donc que des
deux faits, le non-éclairage et l'absence d'oeuvres ne sont pas sans rapports
étroits.
En clair, si l'on allume pas c'est qu'il n'y a rien à regarder.
Ce raisonnement simple, les industriels l'ont bien compris, eux dont les
robot travaillent dans l'obscurité* depuis longtemps.
Une lueur dans les ténèbres,
c'est Paul (notre gardien) avec une lampe de poche qui troue l'obscurité.
Que fait-il donc ?
" Je cherche un homme ! " c'est sa réponse, en fait il cherche
une femme, il cherche LA femme ...
De ménage car, profitant de l'obscurité complice, les petis cochons sont
passés par là...
|
|