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Caisson
de décompression
sociale
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La
hausse exponentielle des loyers et la paupérisation générale ont
des effets conjugués et dévastateurs sur la population citadine
et les premiers touchés sont naturellement les jeunes (c’est vraiment
dégoûtant !).
Les artistes sont aussi bien touchés mais là c’est normal.
Un hallucinant fait divers est venu nouer rappeler cette terrible
réalité ; nous l’avons lu dans le journal, c’est donc vrai et
nous citerons, verts d’épouvante, quelques extraits de l’article
du Pharisien Libéré :
« Les éboueurs du sixième arrondissement signalèrent la présence
d’un conteneur au beau milieu des allées du square du Général
Brosset-Lédent déjà minuscule et bien encombré de mobilier urbain
post-moderne.
Par instants, une épaisse fumée grasse sortait du rectangle de
tôle rouillée, ça sentait la croquette de poisson frites (pardon,
frite) ; assurément quelque hun vivait là dedans mais qui ?
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Les
sévices sociaux furent alertés ainsi que la gendarmerie ; on fit
le tour du conteneur, on tapa dessus, on cria, pas de réponses.
Finalement on appela un ouvrier déjà soul d’heures qui découpa
un trou dans la paroi métallique avec son joli chalumeau.
Stupéfaction
de Lyon !
Quelle ne fût la surprise des autorités en regardant à l’intérieur
:
« Quel bric-à-brac, c’est encore plus rempli que le tombeau de
Toutankharton recyclé !
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L’incroyable
contenu.
Le
conteneur était plein à ras bord de tableaux, de rouleaux de papier,
d’objets improbables et de maquettes bizarres ; en déblayant au
fur et à mesure ils progressèrent jusqu’au fond du caisson d’acier
et là furent d’un coup saisis d’épouvante :
« Qu’est-ce que c’est que ce machin ! »
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La tête blanche
et impassible d’une momie à lunettes les fixait intensément ;
ils se précipitèrent en hurlant vers la seule issue possible.
Le
regard de la momie.
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Une
fois dehors tout le monde reprit son calme, il fallait prendre
une décision.
On décida de refermer le conteneur et de l’immerger au Grand Large*,
peut-être serait-il redécouvert dans quelques siècles ?
« Et la momie ? » demanda un nécrophage discret.
« Donnons là au musée d’ethnographie, elle fera très bien dans
leur collection d’art Nak* ! »
Ainsi
fût fait et la tête desséchée prit place dans une vitrine poussiéreuse
sous l’appellation incontrôlée :
« Plastichienum
Miribelis, origine inconnu, art Nak probable »
*
Grand Large : Cette pataugeoire envahie d’algues n’est ni grande,
ni large ; encore une réputation surfaite.
*
Nak : Ceux que les primitifs en général, et les primitifs urbains
en particulier, intéressent peuvent aller rencontrer Cochon-man,
un spécialiste.
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L'art
Nak n'a pas finit de nous étonner ainsi ces deux authentiques* médaillons
de Lyon ; autenthiques, hottentots ou autant et plus de rien, en art
vraiment Nak on pratique le faux faux.
Autant en importe le vent.

Quelques
siècles plus tard on avait changé l'étiquette, à la faveur de déménagements
successifs, la tête pétrifiée se retrouva au
royaume de Javavava dans sa période classique.
Enfin munie de papiers en rêgle, tampons, expertises et certificats,
le chef déssèché était reparti pour quelques millénaires (sans panne
d'électricité s.v.p).
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