FONDATION GELLIPANE

PROGRAMMATION

 

 

 

" SPEED NUDE "
ARTISTES : DUBOUDIN
GENRE : à poil
EXPOSITION n° 13
- 4
.

 

 

 

" Tiens voilà Duboudin ! " dit en se retournant le directeur.
Octave des Obres sursauta : " C'est vrai qu'il moche, surtout sous certains éclairages. "
Cependant être laid n'empêche pas d'adorer la beauté ; c'est juste un peu plus compliqué.
Mais Duboudin fait partie de ceux dont les difficultés stimulent, non la libido, mais l'intelligence.
Et comme il avait peu d'espoir de voir beaucoup de jolies filles à poil dans la vie courante (comme on dit), il décida de se faire peintre.
De nus évidemment, histoire de se rincer l'oeil pour le bon motif.
Ce n'était que le début de ses problèmes, son émotivité de célibataire pas du tout endurci ne pouvait résister longtemps à la vue des merveilles qui se dévoilaient.

" Cachez-moi donc ce sein que je ne saurais voir ! "

C'était une course contre la montre entre sa vacillante volonté picturale et son désir montant.
Et cela finissait régulièrement par une éjaculation beaucoup trop prématurée qui zébrait la toile en cours.
" C'est malin ! "
" Mais ça vaut une signature ! " affirment les experts en scrutant l'A.D.N survivant.

" Attention mademoiselle, 5.4.3.2.1.0 ! "

" Les bras m'en tombent, ce n'est vraiment pas le moment ... "

 
" Trop tard (ou trop tôt ?), ma peinture est foutrue (pardon, foutue) ! "
De dépit Duboudin essaya de peindre des nus habillés, un nouveau genre qui eut peu de succès chez les voyeurs.
Puis il chercha de vraies solutions.

Le nudiste n'en trouva pas (comme quoi !) ou alors elles étaient idiotes, ainsi vouloir peindre un nu en lui tournant le dos est un défi ridicule, en plus d'être très impoli.

" Quel est donc notre sujet aujourd'hui ? "

Dans le même genre, disons de privation sensorielle, le peintre anglais essaya une nouvelle pose avec un linge humide autour du visage ; il faillit seulement étouffer :
" Help, I need somebody, help !!! "

Il devait quand même voir, ne serait-ce qu'un petit peu de chair rose (il avait bien préparé ses couleurs).
Duboudin disposa, entre son modèle et lui, une immense vitre bien épaisse, un mieux se fit de suite sentir, littéralement, il se détendait.

La transparence agit.

Alors il mit un deuxième vitrage, puis un troisième et encore un autre comma autant de filtres successifs.
A la fin Duboudin n'y voyait plus rien, il pouvait donc commencer à peindre.
Enfin c'est ce qu'il croyait car le grand verre mal accroché tomba d'un coup découpant la malheureuse dénudée.
" Sheet ! " s'écria l'imprudent vitrier.
" Il me faut d'urgence un nouveau modèle, le dernier j'espère ... choisissons du haut de gamme, ou alors un modèle réduit, beaucoup plus maniable. "

Le libre choix du créateur, disons même sa fantaisie.
Allez, disons-le.

* options : Elles sont évidemment payantes : formes, tailles, couleurs, luxe, calme et prises " Oui-oui " pour les récalcitrantes, vous en bavez déjà ?
Ayez des goûts plus simples si vous n'avez pas l'argent.

L'assassin était sincèrement désolé, il tentait vainement de remettre dans le bon ordre les morceaux épars quand sonnèrent à la porte le directeur et Guy Molet venus justement lui parler de sa prochaine " exhibition ".
" Tiens voilà du boudin ! " s'étonna le poète en poussant la porte de l'atelier.
L'artiste tira vite un providentiel rideau.
" Nous voudrions voir vos derniers " nus rapides " cher ami ! " demanda aimablement guy Molet en tendant sa main toujours moite.
Le peintre maudit essuya longuement les siennes avant de bredouiller :
" Euh, c'est à dire, je ne suis pas sûr d'avoir fini ... "
Guy fixait un grand nu (?) en plein déséquilibre :
" Humm ... on dirait qu'il se casse la gueule dans l'escalier ... "
Le directeur lui regardait ses pieds, surpris des grandes traces rouges que laissaient leurs chaussures de ville sur les tomettes ; un brin paternaliste, il apostropha le malheureux :
" Vous devriez faire un peu le ménage, Diouboudine (il essayait d'anglaisement prononcer), on va finir par déraper, reprenez-vous bon sang ! "
A ce mot fatal Duboudin tomba dans les pommes (les deux) et tout est bien qui finit mal.

Dans la presse d'outre-Manche notre timide exposant apparaissait sous le terrible nom de " Black pudding ".

L'arrestation de " Black pudding " : grand pervers ou simplement petit maladroit ?
Le mystère demeure chère loque ...
C'est quand même mieux que " Jacques le ventreur " !
Lui il mangeait les femmes tout cru, avec juste un peu de vinaigre et d'échalotte.

 

 
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