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Une fois calmé et désarmé,
Hiqueux tenta d'exprimer par la couleur ce qu'il avait ressenti, subi,
infligé, vu ou refusé de voir durant le confit (pardon, le conflit).
A défaut d'héroïques chromos, il obtint d'honorables et surprenants "
traumas ".
Ils manquaient juste le bruit des explosions, la poussière, les cris,
l'odeur de cramé et celle du caca du collègue casqué qui s'est relachié
tellement il a peur.

Quelques " traumas
" bien vus.
Vraiment ce n'est pas beau à voir et pourtant si ; ce qui confirmerait
l'opinion publique selon laquelle l'art pourrait transfigurer le réel.
Et tant mieux s'il sert à quelque chose.
Quand au pauvre Hiqueux il continue de se jeter par terre pour s'y recroqueviller
dés qu'une porte claque ; ce qui explique la présence de sacs de sable
dans l'exposition ; le marchand de sable est passé.
Précisons qu'il ne s'agit pas
d'une " installation ".
" Je répète, ceci n'est pas une installation mais
une alerte, restez calme !"
A trop fréquenter des tueries
mal organisées, Hiqueux est maintenant couvert de papules.
" Le variqueux, le variqueux ! " se moquent ses confrères mieux
protégés, et surtout plus prudents.

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- Après une
bonne préparation d'artillerie, le peintre sort pour aller " sur le
motif ". |
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- Mais on
ne plante pas son chevalet n'importe où, même s'il est blindé. Il
faut être discret et prudent. |
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- Ce n'est
pas toujours possible alors il faut faire le gros dos. |
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- Et regarder
la terrible réalité par les deux " oeillères " percées dans la tôle.
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Note : Tous
les dessins proviennent du carnet de croquis kaki du piou-piou Hiqueux.

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- Parfois
on fraternise le soir à travers les barbelés : " Alors ça peint
... de noël ? "
" O tannenbaum, o tannenbaum ... " |
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- " C'est
vraiment réussi. " |
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- Quand il
n'y a pas trop de gaz dans les nappes ... |
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- ... Hiqueux
emmène ses élèves sur les lieux du crime contre l'humanité. |
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Il leur distribue ses
conseils et les premiers secours si besoin est.
" On a quand même un sacré avantage par rapport aux impressionnistes,
on est pas embêté par les arbres. " leur explique le maître-poilu
entre deux explosions.
- Baoum - Un orage d'acier se préparait, il était temps de rentrer.
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Le peintre montre sa
dernière esquisse trouée, ça distrait les futurs morts.
Souvent dans un trou
d'obus voisin, Hiqueux croise un peintre ennemi, lui aussi au travail.
Ses réactions sont alors imprévisibles : aujourd'hui ils comparent
et analysent, à la lueur rosâtre des fusées écairantes, leurs travaux
récents.
Demain il l'embrochera avec son pinceau-baïonnette éliminant ainsi
un possible concurrent du temps de paix.
" Et je serais bien décoré pour Noël ! "
En plus d'une permission totale.
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- Ratatatatata - Revenu tout
boueux de sa séance quotidienne, le bel Hiqueux nous confirme (péniblement
à cause du masque) :
" La peinture est bien une arme offensive, mais surtout défensive !
"
Il insiste en nous montrant les nombreux impacts sur son chassis renforcé.
L'état de
sa palette conservée précieusement dans une vitrine au M.I.A.M (Musée
International des Arts Militaires) témoigne assez de sa folle témérité.
Puis il se rassoit dans la tranchée inondée et se fait une bonne pipe.
" La guerre continue ... " ajoute t'il philosophe entre deux
bouffées.
Pendant ce temps, dans son dirigeable admirable, le générallissime
se frise les moustaches.
" Je les grignote ! " commente t'il simplement ... |
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