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Soufflant alternativement le
froid et le chaud, jamais le tiède, sur le monde de l'art encore ensommeillé,
la Fondation Gellipane présente " Les affres de la crémation " du jeune
et bouillant Harry Védercho, artiste volcanique s'il en est.
Né au pied du Vésuve, Harry*
passa son enfance les pieds dans la cendre chaude et la tête dans les
fumerolles souffrées.
Ayant assisté au spectacle grandiose des coulées de bave (pardon, de lave)
oranges et dorées à point puis de leurs explosives infusions sous-marines,
sa fascination pour le feu et sa terrible beauté ne le quitta plus et
son exposition reflète cette brûlante passion.
Son rêve est de réaliser, à l'imitation des alchimistes médiévaux, en
une même et souverraine opération, la fusion et la combustion, ce qu'il
appelle : " la com-fusion " (certains la pratiquent déjà mais sans le
savoir, ce qui ne vaut pas).
* Harry : prénom américain
devenu fréquent après le débarquement comme l'usage du chewing-gum et
du pain de mie en tranches.

L'inquiétant
dispositif est en place.
Les résultats
sont à l'image et à la mesure du projet, bizarres et complexes : sur des
socles de marbre blanc de Tarare (le plus cher) des scories encore rougeoyantes
enfument la salle d'exposition et noircissent le plancher d'une poussière
noire de charbon à demi-calciné.

Bien
équipé, Harry peut circuler
au milieu des affres brûlantes.
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Au milieu de ce puant
et épais brouillard, Harry Védercho circule en tenue ignifugée post-moderne
tout en jetant des seaux d'eau froide sur les visiteurs suffoqués.
Sans son masque, l'artiste
reste vulnérable ; en dessous, deux admiratrices se remettent, celle
de droite a pris un coup de chaud, c'est ce qui arrive quand on
s'approche du feu.
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A ces moments
bouillants, on doit prendre l'artiste avec des pincettes.
Et même avec des pincettes, il reste fragile car presque entièrement
carbonisé.
Par son feu intérieur ? |
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Nuées ardentes, projections
diverses et gaz toxiques, vraiment ça chauffe à la Fondation Gellipane
!
Les dieux s'en inquiètent, surtout Jupiter qui, sentant le brûlé
jusque dans sa cuisine, venait de porter son grille-pain à réviser
; il était furieux et tonnant.
Ses* femmes le pressaient d'intervenir, ou d'appeler les pompiers.
* ses : Les dieux
sont totalement polygames, on les envie donc beaucoup.
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Badaboum - un éclair dans cette
nuit artificielle, une colonne de fumée rose s'élève au milieu de la salle.
Pas de réactions car on ne circule plus qu'avec un mouchoir humide sur
les yeux, comme en mai 68.
" 1868 ? " demande un gamin.
Le dieu fracassant recommence et cette fois, il met la gomme :
BADABOUM - plein d'éclairs et un gros nuage fuchsia à parfum de
fraise.

Tout le monde se fige sur place,
l'énorme voix résonne jusque sous le plancher :
" Hola mes agneaux, c'est qui le petit Prométhée qui nous enfume ?
"
Un long silence quinteux puis
quelques timides applaudissements.
" C'est nul comme performance ! " commente un blasé.
" On ne sait plus quoi faire pour les intéresser ! " constate découragé
le directeur en posant son mégaphone.
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