FONDATION GELLIPANE

PROGRAMMATION

 

 

 

" GRAFFITA - GRAFFITO "
ARTISTE : CHIOTTE
GENRE : mauvais
EXPOSITION n° 52

.

 

 

 

 

C'est la panique ce matin à le Fondation Gellipane, le directeur ne répond plus.
" Il est peut-être en " réunion " avec Miss Clitorini ? "
" Impossible, elle est en R.T.T aujourd'hui et nous n'avons pas de nouvelles stagiaires ! "
Alors mystère, Octave des Obres décide de pousser la porte du bureau.
Surprise : notre directeur est prostré, la face contre le sous-main de cuir, totalement silencieux.

Le blues directorial.

Quand il souleva la tête, notre témoin numéro un nota qu'une grosse bosse déformait le front altier et souverrain.
Le crime de lèse-majesté planifié par l'artiste Manqué avait normalement foiré, mais de fort peu.

* Manqué : Pourquoi fait-il ça ?
Parce que dans le genre mécontent et ronchonneux, les artistes sont souvent les plus tristes sires.
Et franchement nous n'y pouvons rien s'ils sont nuls.

 

Le lâche attentat taré (pardon, raté) au seau périlleux.


Le rescapé, les yeux encore humides, parle enfin tout en se massant le cuir chevelu :
" Juste un peu mal au crâne ... "

Bosselé mais vivant.

Il semble très troublé (le choc sans doute) :
" Je voudrais tant qu'on m'aime, pouvoir ouvrir mon coeur meurtri, il se reprend brusquement, surtout ne le dîtes à personne ! "

Le téléphone sonne, encore sonné Mordicus décroche :
" Allo, la Fondation Gellipane, c'est bien ce soir le vernissage de votre expo de Chiotte ? "
Le bizarre intitulé dérida le dirigeant.
La crise était passée, le sens des responsabilités triomphait du découragement et la cause juste de la violence ... Injuste.
Occupons-nous de l'exposition qui ouvre lentement ses grosses poportes pour qu'on puisse voir dedans.
Enfin, c'est pas trop tôt, on a failli attendre l'ambulance.
Les graffitis sont une vieille habitude des humains qui aiment à laisser des traces de leurs passages, de leurs activités ou de leurs pensées sinon les plus profondes, en tout cas les plus présentes.
On les retrouve partout, sur les pyramides, les cathédrales et dans les endoits les plus reculés et les plus innatendus.
Aux temps modernes, leur lieu de prédilection, celui où ils naissent et prolifèrent, ce sont les toilettes et leurs annexes ; le contenu en est la plupart du temps obscènes, scatologiques, en tout cas, au dessous de la ceinture qui est rarement de chasteté.
C'est pourquoi ils sont un genre mineur ou carrément mauvais, ignorés par l'histoire de l'art où ils ne figurent même pas en annexe.

Graffitis de Chiotte.

Et pourtant ils existent, comme dirait le beau Léo (de Ravenne ?) ; alors à la Fondation Gellipane, comme nous ne méprisons personne, nous leur avons fait une petite place dans notre programmation avec un des incontournables représentants de cette pratique toujours actuelle, Chiotte.

Le graffiti n'exclue pas le raffinement.

Afin de ne pas choquer notre public raffiné et délicat, nous dûmes effectuer une nécessaire censure.
Nous avons donc choisi dans l'abondante production de Chiotte, les plus innocentes et poétiques images ; ce fût un long, fastidieux et malodorant travail.

Un choix bien entendu subjectif.

Pour tout ceux qui vont encore crier à l'atteinte à la liberté d'expression, nous les renvoyons dans leurs toilettes habituelles où s'épanouit et se répand librement, bien caché et sans entraves, l'esprit de l'homme et son contenu pipi-caca triomphant.

Chiotte devant ses oeuvres gravées.

" Il a un goût de Chiotte ! " entend-on maintenant de partout, jusque chez les oenologues ; l'expression en est devenu proverbiale. Pour une fois la rumeur est fondée, l'analyse juste et l'information exacte.
Chiotte n'apprécie que les choses vulgaires, dégradées ou (et, c'est encore mieux) insignifiantes.
Il aime - tut* - ainsi que - tut -, et donc - tut tut - aussi ; et bien sûr Peldugland, c'est vous dire jusqu'où vont ses égarements esthétiques.

* tut : Nécessaire occultation, le - tut - en question exposant bientôt à la Fondation Gellipane.

Est-ce une pose élitiste et pharisienne (pardon, parisienne), une banale provocation ou toujours cet infernal tropisme paradoxal ?
Non, c'est le mauvais goût de Chiotte, tout simplement.

Il est original, c'est donc un original et il n'avait pas fini de nous faire partager son originalité.
Au moment de la fermeture, Paul, l'expérimenté gardien, vint tirer par la manche le directeur.

 

" Venez-voir monsieur Mordicus ! "

Le spectacle était plus qu'étrange, Chiotte se tenait accroché au plafond la tête en bas, comme une chauve-souris.
Le directeur sentit son mal de tête le reprendre.
Paul est le premier étonné :
" Il ne peint pas la tête en bas, sinon ses images seraient inversées ! "
" Pas si sûr, il existe un cas exactement contraire en Allemagne. " soutient Octave.

On le croit difficilement.

" Assez, s'écria Mordicus, surtout ne le décrochez pas, du moment qu'il est calme et qu'il ne fait pas caca partout, il referme doucement la porte, pensez à le laisser avec de la lumière verte* et donnez-lui donc à boire ; pour le reste ... "
Le directeur lève le poing droit, c'est le signal convenu.
" On verra ça lundi ! " répond le choeur des travailleurs.

De toute façon,
Chiotte n'est jamais vraiment seul avec lui-même.

* verte : C'est dans le contrat.
Elle est nécessaire à l'artiste pour saisir les ultrasons, son " béta-langage " comme il l'appelle.
Par contre les ultracons lui font toujours aussi mal aux oreilles.

Tout est bien qui finit le week-end.
L'équipe de la Fondation défile en chantant devant les dirigeants rassérénés :
" Hého, hého, on rentre du boulot ! "
Ils agitent visseuses, scies, marteaux et niveaux à bulle au dessus de leur tête mouillée (d'un peu) de sueur.
C'est beau comme un premier mai.
Nous les saluons distraitement de la main gauche.
C'est si bon d'être un dominant.

Et pendant ce temps, l'artiste continue de rêver au futur chef d'oeuvre qui le fera enfin sortir des toilettes publiques.

Pour le faire entrer dans les cabinets (pardon, les collections) privées.
Voilà, c'est tout pour aujourd'hui.

 

 
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