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Gastrau a l'air
toujours constipé, il produit l'effet inverse chez autrui, un vrai relâchement.
Organiser l'exposition Gastrau
ne fût pas une mince affaire culturelle.
Nous n'avions que des objections : d'abord elle n'était pas prévue et
il allait falloir modifier notre calendrier imaginaire.
Gastrau n'est pas un artiste, c'est un magicien*, vieil ami de Vil de
Lyon, ce qui ne nous rassure pas,et de deux.
Last, but not liste (elle n'est pas close comme ma maison) :
Gastrau n'est pas d'ici, alors que vient-il faire dans notre exposition
du terroir ?
* magicien : Ou illusioniste,
on les confond parfois avec les artistes mais la comparaison s'arrête
là.
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Mordicus le directeur
balaya toutes nos objections de sa main leste et souveraine et les
travaux commencèrent.
Sur ses instructions
on construisit une grande estrade sur le devant de laquelle on posa
un panneau avec en belles lettres rouges GASTRAU.
C'était simple et de bon goût, pas comme l'officiant qui était plutôt
du genre crade, et malodorant.
Des pinces à linge étaient disponibles à l'acceuil pour les raffinés
olfactifs, les sensibles du sinus.
Tout est maintenant prêt pour l'affellation contrôlée (pardon, l'appellation
contrôlée).
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Les " appelants " vont se succéder en annonçant très fort le titre de
l'oeuvre dont ils rêvent depuis longtemps (toujours, c'est encore mieux).
Ceux qui ne rêvent pas à des oeuvres d'art mais à des fesses (par exemple),
nous les renvoyons illico afin qu'ils se confessent, c'est mieux.
Gastrau fait magiquement apparaître l'objet désiré jusqu'alors inaccessible.

Voila le premier appelant,
il est un peu timide :
" Quatre oiseaux becquetant une tige "
" Fastoche. " commente l'officiant, en deux coups de cuillère à
pot (c'est son médium) la peinture est là, sous nos yeux bétonnés par
l'habitude.
Pas vraiment un chef d'oeuvre mais nous n'en sommes qu'à l'échauffement.

Un deuxième appelant s'approche
en titubant, c'est encore un enfant aux yeux bien rouges :
" J'appelle Pamoison de la verge ... Pardon, de la vierge. "
Le tout sans une pointe d'accent circonflexe.
Excusez-le c'est l'émotion, mais un rapport existe, une sorte d'inconscient
raccourci.
" La pâmoison ce ne serait pas une forme de jouissance ? "
" Taisez-vous, vous êtes fou ! "
Ah que déjà s'avance un troisième appelant, il rugit dans son demi-sommeil
:
" Deux Oiseaux et Deux Lions "

La peinture
apparaît, on reste perplexe.
" Il faut trier dans ces
propositions ! "
Les lions (de
Lyon ?) restent invisibles.
" Il voit double même la nuit, moi je ne vois pas les deux oiseaux
... "
" Fais un peu fonctionner ton imaginaire, ton lobe concerné. "
" Je ne vois toujour rien. "
" Et bien dégage, va mourir chez les incrédules ! "
L'appelant suivant est en place, il semble ému, si timide qu'il s'est
entièrement recouvert d'un drap, il annonce d'une voix douce :

" J'appelle
La Naissance d'Aphodite en image, grand mage ? "
Dans la foule on siffle, on
trépigne, on s'excite et on y croit ; la déception sera à l'exacte mesure
de l'espoir suscité. Comme toujours.
" C'est affreux dîtes, pour une déesse de l'amour elle est vraiment
vilaine ! "
" On s'y habitue, vous verrez, d'ailleurs ça ne manque pas d'air.
"
Si, justement.
Le drap tombe d'un coup, révélant une appelante qui nous offre la véritable
version, avec les poils, de la naissance de Vénus, mais sans sa datte
(pardon, sa date).
Ce sera pour une autre fois prochaine.
En attendant, son assistante nous a drôlement trompé.
" Il se trouve où déjà le fameux mont de Vénus ? " demande un étudiant
en géographie.
Aucune idée, même fixe.
On envoie la musique carrée et on fait tourner la boule à facettes.
" Quel féerie ! " fait Eric Satire, le compositeur à barbiche.

Mais le merveilleux systématique
est très vite lassant et on attendait tous impatiemment la fin du numéro,
la file des appelants se réduisait maintenant à sa dernière unité.
Mais c'était une unité d'élite, l'ultime appelant fait durer le déplaisir
en se raclant longuement la gorge puis il se lance
: " J'appelle Dugland du fond de mon désespoir secret !
"
C'était Peldugland qui ne pouvait résister au divin plaisir de torpiller
un concurrent.
On rit beaucoup, Gastrau beaucoup moins.
L'illusioniste ne pouvait faire apparaître Peldugland vu qu'il était déjà
là.
Et il ne voulait plus le voir, surtout pas en peinture.
Le médium pictural avait cependant suffisament fait la preuve de ses pouvoirs
créateurs, Vil de Lyon lui suggéra perfidement :
" Faire apparaître c'est bien, mais faire disparaître, en es tu cap
mon fidèle Gastrau ? "
Piqué au vif de son orgeuil mal placé l'affreux mage puant s'écria :
" Tout doit disparaître ! "
PLOP
LA DISPARITION
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LA
REAPPARITION
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