JUDITH
Le 5 mai à Camon

 

Holoferne voit tout, enrtend tout et compte les soux.

Des camions il y en avait sur la route, beaucoup, mais toujours pas de Camon.
Un immense panneau publicitaire sur le coté de la route lui indiqua enfin :
" TOUTAN-CAMON - LE PARC OU TOUT EST POSSIBLE "

Son chiffre d'affaires étant en chute libre et incontrôlée, Bertrand décida de s'y rendre dans un dernier sursaut de sa conscience professionnelle agonisante.

A un carrefour de faux scarabées géants distribuaient des prospectus multicolores, on pouvait y lire que la société Holoferne avait acheté toute la région, construit un barrage, créé un immense lac artificiel, fait bâtir les inévitables pyramides et toute une rangée de ridicules géants* couillus verts avant d'enfermer l'harmonieux ensemble derrière un grand mur bourré d'électronique avec de fausses tour Eiffel en guise de miradors.

Réflexions croisées :

W.S.R :
" Ah ... tu es super ! "

Judith :
" Je ne trouve pas l'idée géniale, moi . "


* géants : Curieux compromis entre les statues de l'île de Pâques, l'inénarrable Mandat-Rhum ou d'autres colosses du même nom, on peut les voir même de l'espace.

Le hameau englouti de Toutan en avait profité pour fusionner bien involontairement avec Camon pour donner naissance à cette monstruosité esthétique et culturelle post-moderne : le parc à thème.
Un thème oui, mais lequel ?

Son merveilleux profil avait tellement subjugué Bertrand qu'il en avait sodomisé, par pure distraction, un grand sphinx de carton-pâte à l'oeil fixe et au sourire momifié.

C'était bien là le problème, à " Toutan-Camon " Holoferne avait misé (gros) sur l'antiquité et pour ajouter à l'invraisemblance (pardon, à la vraisemblance) réduit en quasi-esclavage la population locale, Judith faisait partie de ces malheureux, contraints par l'absence de vrais emplois et de statuts (autres que factices) à travailler sur le site et sous le fouet :
" Cela fait plus authentique ! " assurait les holoferniques dirigeants.
Ni pute, ni soumise, ayant juste le besoin de gagner sa vie, la jeune fille attendait le faux bus (mais vrai galère) déguisée en Cléopâtre de péplum.

 

Dés ce moment il avait décidé de sauver Judith d' Holoferne, il s'était acheté une panoplie bicolore extensible d'homme-araignée (pas vraiment égyptienne mais personne ne remarquait plus rien depuis des lustres de cristal) avant de s'introduire dans ce camp retranché du monde réel.

Il se faufilait entre les merveilles doucereuses
et écoeurantes qui collaient de partout.

Après moult tours et détours gratuits il avait localisé Judith devenue entre temps une magnifique femme-scorpion orangée, il tissa rapidement sa toile pour attraper sa proie.
Il fallait être prudent, aux alentours rôdaient les sbires à oreillettes intégrées de l'organisation qui faisait claquer leur chat à neuf queues en criant :
" Allez rame C.E.S* ! "

* C.E.S : Contrat Express de Servitude

Fausse capture, prisonnière de ses doux liens de soie,
Judith est emportée par Bertrand pour être savourée à l'écart.

Judith ne se servit pas de son dard de fantaisie, Spiderman (alias Lapin.Blanc.Rapide) non plus, pas tout de suite !
Il resserra d'abord ses liens, qu'il avait pris soin d'enduire d'une substance* bien collante

* substance : Dont la composition reste évidemment secrète*.

* secrète : Les éléments* en sont pourtant connus depuis la plus basse antiquité, ce qui importe c'est leur dosage précis, et adapté à chaque type de proies.

* éléments : Un brin de muguet, un relent d'alcôve, une pointe de tendresse chaude et un soupçon de soupçons.
Après c'est à chacun de trouver l'équilibre, la bonne formule, la surface adhérente idéale.

Empétrée dans les fils adhésifs, la fausse Cléopâtre, se débattait bien vainement.
Un peu à l'écart (prudence !), le garçon la regardait s'épuiser, attendant impatiemment le moment de s'en rapaître.
Soudainement, il passe à l'attaque : d'abord bisou ici, puis bisou là et puis bisous partout ... la malédiction de Toutan-Camon était-elle enfin vaincue ?
Oui ! Mais il ne fallait pas traîner, on allait sûrement lâcher sur eux les dinosaures en 3D, les gnomes rhodaniens ou les terribles klingons chasseurs de primes* !

* primes : Pour chaque resquilleur attrapé, une entrée gratuite et un ticker-restaurant ; quand aux resquilleuses, on leur donne simplement en pâture, pour le spectacle vivant.

Spiderman et la femme-scorpion apparaissent sur tous les écrans de vidéosurveillance, on les suit sans efforts, ils n'ont aucune chance, les klingons allaient se régaler.
Seul un miracle pourrait les sauver ........... je répète, seul un miracle pourrait les sauver !

Sainte Nitouche ne pouvait pas laisser son pêcheur préféré* se faire bêtement étriper, elle leva donc son petit doigt.

* préféré : Avouons-le à sa place, elle trouvait Bertrand beau en Spiderman.

 

Et le miracle s'accomplit : un pirate informatique local, résistant résolu à l'holofernisation du terroir venait de réussir à percer les défenses informatiques d'Holoferne, depuis il mettait une grande pagaille.
Tous les écrans du camp s'éteignirent d'un coup, les gremlins chargés de leur contrôle poussaient d'affreux cris en s'entredévorant.
Cela sonnait déjà de partout, maintenant on les cherchait !

Se mélant aux groupes de gentils visiteurs, Judith et le faux-Spiderman arrivèrent à se rapprocher des grilles en faux stuc, mais pas plus près (à cause de l'électricité ambiante).
Ils regardaient découragés la sortie où d'ex-mammouths de la grande distribution montaient la garde, plus ridicules que terrifiants, leur incessant piétinement interdisait cependant toute approche, même préhistorique.

Les dinosaures font le point, ça leur prend du temps car ils ont une toute petite cervelle, mais un gros appétit.

Impossible de passer, ils étaient coincés, on entendait déjà les affreux grognements des klingons qui s'approchaient, à cet instant une formidable claque dans le dos faillit renverser Bertrand :
" Spiderman, vieux frère, comment vas-tu ? "

Un grand gaillard se tenait devant lui en rigolant de toutes ses dents parfaites, aussi parfaites que celle du dodu mannequin rembourré qui l'accompagnait.
" Mickey, Mickey Bourke, rappelle toi, Blatte-Man ... " et il se mit à imiter le cafard boiteux..
" Alors toujours dans les bons coups ! " continua Mickey en faisant un clin d'oeil appuyé à Judith dont la tenue de nèpe en lambeaux laissait largement entrevoir sa vraie peau lisse.
Bertrand finit par comprendre que lui et Spiderman (le vrai) avaient travaillé ensemble au cinéma, depuis Mickey avait fait normalement fortune et dirigeait le parc dont il était devenu le principal actionnaire.
Holoferne, c'était lui.

Rien ne doit perturber la joie et la bonne humeur, jamais.

Royal Canin vint au rapport, Mickey parut contrarié :
" Un individu s'est introduit dans le parc pour y enlever une de nos employés, nous allons rêgler rapidement ce petit problème ! "
" Et qu'en ferez vous quand vous l'aurez attrapé ? " demanda Bertrand inquiet.
Mickey lui désigna la fosse aux lions toute proche :
" C'est le plus pratique, mais là ils n'ont plus très faim, les syndicalistes c'est lourd à digérer ! "
" Sacré Mickey, toujours le même ... et si on échangeait nos femmes ? "
Tout le monde fut surpris de la proposition, surtout Judith, mais elle comprit à son clin d'oeil que Bertrand avait un plan et elle applaudit aussitôt, trouvant l'idée charmante.
Comme Mickey la serrait déjà de près, Bertrand en fit de même avec Mini, la replète Bimbo ravie de se retrouver entre les extensibles membres de Spiderman.
C'est donc saluée bien bas et au bras du principal actionnaire que Judith put tranquillement sortir du monde enchanté d'Holoferne.
Elle allait encore se payer la tête du dirigeant (pourtant il était prévenu depuis 2500 ans).

Bertrand bien collé à Mini suivait le mouvement, une fois passé la porte néo-tartignolle, il poussa d'un coup brusque la fille dans les orties avant d'aller percuter Mickey Bourke la tête en avant, l'ex Blatte-Man avait perdu de sa souplesse et il chuta lourdement à son tour dans le fossé plein de sangsues vertes.
Qui s'occupèrent de son cas rapidement.

Du dehors, et à distance respectable, Bertrand et la jeune femme purent faire moult bras d'honneur et pieds de nez aux holofernistes dépités.

Lapin.Blanc.Rapide pissa longuement dans leur direction pour bien monter qui c'est qui était le plus fort.
Judith, enfin débarrassée de sa chitineuse carapace cueillait, en sous-vêtements dentellés, des fleurs sur un des nombreux talus du chantier.
Des torrents d'obscénités en provenance du parc leur parvenaient, ils en riaient effrontément.
Eux, ils avaient l'attraction, mais sans la gravité.

" Coucou ! " une petite voix douce leur parvint des buissons, c'était la pauvre Mini, toute couverte des piqures d'urticacées, mais bien contente d'avoir aussi échappé à sa servitude involontaire.

Surtout qu'elle en pince depuis longtemps pour l'homme-araignée, son collant sauveur, à qui elle fait d'immenses sourires d'aérienne reconnaissance.
" Me voila bigame maintenant ... what a wonderfull world ! " se dit Bertrand, toujours emmèlé dans ses fils.
N'est pas (ou naît pas) aranéide qui veut.
C'est souvent un problème de soie.

 

Aperçus

A Camon, de la beauté
On observera les longs canons
De la poudre sur le nez

 

 

 
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